Feu
*
Ce matin j'ai donné ma langue au chat,
Ce soir, qui sait, pour moi s'il la brûlera ?
*
Brûle mon sang du désir tien
Brûle ma vie à poursuivre la tienne
Brûlent les lettres que j'ai cru miennes.
*
Le feu du désir au fond de moi s'éveille.
Silence lourd d'août.
Et sur mon corps tes yeux par tes mains,
apaisés.
*
Brûlure des désirs
Morsure de l'attente
Langueur de nos nuits
sans fin.
*
De feux follets en fols amours,
De feux ardents en feux de paille,
Doucement elle se consuma.
*
De feu de paille en filles de joie,
De jeux follets en folle de toi,
Un grand brasier alluma.
*
Elle était tout feu tout flamme.
Il était tout fou tout femme.
Ensemble ils brûlèrent
Le La.
Renata Ada Ruata
Les anges déchus
Exclus du cercle des élus,
pour toujours ils le savent,
à la périphérie,
ils ont été jetés.
Du divin ils ont connu
l'essence, la beauté,
et la loi.
De l'humaine faiblesse
violence détresse,
ils portent les stigmates.
Entre une grimace et deux poings serrés,
du très-bas, de l'ornière, de la douleur,
ils s'acharnent à se relever, parfois,
en vain.
Déchus ils ont à présent
un corps
qui pèse.
Une âme qu'ils ont appris
à oublier.
En nombre du profond des cathédrales du siècle,
ils viennent.
La main tendue, ils sombrent
en crachant
sous l'oeil apeuré des statues
troublées et muettes.
Gabriel aussi se tait,
immobile,
sous ses ailes d'or déployées,
incrédule.
Et par une terrible nuit de décembre,
seuls, ils meurent
là où jamais ils n'ont pu exister.
Ada Ruata, décembre 2003
Origine
Strade bianche nel bagliore d’agosto,
Luogo delle origini dove riposa la morte.
Fra le tombe,
Le pietre l’erba grigia.
Soffocante calore
Madide pelli
Sieste ineluttabili
Persiane chiuse
Gelosie celate
Nel profondo dei valloni.
E tu Nonno che cammini
Verso il nulla.
Origine
Routes blanches dans la lumière d’août,
Lieu des origines où repose la mort.
Entre les tombes,
Les pierres l’herbe grise.
Étouffante chaleur
Moiteur des peaux
Siestes inéluctables
Persiennes closes
Jalousies tapies
Au creux des vallons.
Et toi Grand-Père qui chemine
Vers nulle part.
Renata Ada Ruata,
Terre de grand large
Terre de grand large
Portée par les vents
Qui offrent aux portes de tes ports
Un peu des archipels du monde.
Finistère qui rêve de retour
Aux sonorités de la langue des druides
Alors que tapies dans tes forêts antiques
Les chimères guettent le mal ancien.
Terre d’hommes intérieurs
Tournés vers l’inconnu
Avides de départ à jamais
Attachés au lieu qui les vit naître.
Peuple de marins muets
Dont les pas chancelants et les chants
Résonnent aux petits matins mornes
Des ruelles du bout de la Terre.
Peuple de femmes
Aux silhouettes nouées
Contre le jour à naître
Les bras chargés de pensées solitaires.
Terre de légendes
Qui s’invente un présent
Au fil des trains qui passent.
Renata Ada Ruata
février 2006
Là-bas
Cri aigu des mouettes
Sur le gris, insoumis.
Hautes murailles aveugles
Aux assauts des marées.
Roches tapies
Sous l’Émeraude, immense.
Sable étendu, étreinte
Odorante des algues.
Voies effacées
Des eaux réapparues.
Vagues profondes
Sous le ciel d’équinoxe.
Et le vent, toujours,
Au détour,
Qui t’attend.
Renata Ada Ruata
L’écrivain dactylo
Cliquetis touches
Perpétuel
Épuisement des textes.
Fin de ligne clink.
le chariot but
Qui n’arrive jamais
Barre
Espace des mots
À l’infini des temps.
Touches bâillonnées
À l’ombre des écrans
Bourdonnement oublié
Au terme d’un labeur
Eteint.
Source lumineuse
de pensées translucides
qu’à la fin on technicolore, ponctue, exclame
puis abandonne
à une nuit propice
Aux rêves éveillés.
Renata Ada Ruata
Instant
après-midi de décembre
rectangle bleui par la nuit
sur la table la farandole
des sucreries de couleurs
vapeur du thé
étale du temps
Renata Ada Ruata
janvier 2007
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